Sankofa, retour aux sources

Méné
24 SEPTEMBRE - 12 NOVEMBRE 2022

OH GALLERY, DAKAR

EXPOSITIONS

PRÉsentation

 

Quand le passé, les héritages sont incorporels et éthérés, leur rappel devient une quête, une recherche à mi-chemin entre le dehors et le dedans. Pour retrouver le fil d’or d’un âge révolu, Méné trace une nouvelle trajectoire et nous invite, au travers de cette exposition intitulée Sankofa, le retour aux sources, à cueillir les perles du passé.

 

Ange Martial Méné, artiste ivoirien, ancre sa pratique artistique dans le paysage culturel et social de ses origines. L’artiste y relate ses cycles personnels et ses virages artistiques, nous amenant au point de départ, à la Genèse de ses recherches plastiques et à sa rencontre avec les formes primitives. Pour questionner son identité, il plonge dans un dialogue permanent avec les surfaces, entre rondeur et rugosité, qui le poussent sur les traces de l’éloquence du silence. Le traitement des formes et des couleurs, comme celles nées de la main de l’artiste espagnol Joan Miro, rapproche la création de la liberté au travers d’énergies mouvantes et aérées qui s’entrelacent dans un nouveau vocabulaire devenu des mots pigmentés.

 

La découverte laisse ensuite la place à la Traversée du désert, le temps de l’épreuve, troublé par les crises de la Côte d’Ivoire en guerre. Déchirée entre nord et sud, le pays se retrouve ébranlé par de vives crises politiques, sociales et militaires. Méné appelle au rassemblement silencieux et bascule dans une période de création tiraillée entre l’évasion et le quotidien incertain. Et puis, nous nous retrouvons, public et artiste, au coin d’un nouveau virage. Cette Fin de course, personne n’en connaît encore véritablement l’issue. La peinture de Méné s’illumine, se transforme davantage. Face à un avenir inconnu, l’artiste essaie d’en dessiner les contours, d’y trouver, quelque part, niché au creux de la matière, une cité radieuse. Il dévoile ici ce qui semble être l’esquisse d’une réponse : le retour aux sources, permettant de revenir sur ses pas et d’ériger en totem ce qui fut malencontreusement semé, perdu.

 

À la manière de Bernard Binlin Dadié, Méné n’a jamais cessé de pétrir le monde : le lien à la terre est au cœur de sa pratique. Par l’ombre des grands bois, ponctuant l’espace d’exposition, le propos de l’artiste dépasse le simple amour des sols fertiles, c’est un appel à la recréation des paysages ivoiriens, dans une dimension de souvenir, d’hommage. Comme dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, les paysages de Côte d’Ivoire subissent de profondes modifications dès les années 1960. Face à la surexploitation des ressources exportées, la qualité des sols baisse, les espaces boisés diminuent.

 

Par des contours irréguliers, des points et des lignes, ange martial Méné fait du papier, de la toile, une nouvelle carte d’identité. Par la création de formes graphiques, l’artiste renoue avec l’ensemble des traditions. Il se positionne en héritier de la pensée des Akans, provoquant une rencontre entre l’histoire, le passé et une vision future du monde qu’exprime l’artiste. L’ensemble de motifs deviennent des étincelles de symboles, où chaque cercle matérialise une perle ayant un jour accompagné les rituels magiques, la beauté des femmes, les accouchements et les jours de gloire. Derrière chaque trace se cache un visage affirmé par des signes, des valeurs portées autour des yeux, au creux des épaules. Les traits, coupés, contournés et continues rythment les pas des cultures ethniques oubliées. Les couleurs deviennent des touches de résilience, mêlant défis du monde moderne et carte étoilée traçant une direction balisée de croix et de motifs affectifs.

 

Méné rappelle l’essence même de la culture, une manière collective d’interagir, de comprendre et de sentir. Il y réanime des héritages endormis, par la terre, son regard, son histoire et son rapport au monde. Les œuvres chuchotent leurs histoires, elles témoignent de ce qu’elles étaient hier, mais surtout, de ce qu’elles seront demain.



  

[1] Période dite de « Genèse » dans le travail de Méné, des années 2000 à 2002.

[2] ROWELL M., MIRO J., écrits et entretiens, 1995, Galerie Lelong, Paris p.270

Terme issu d’une citation de l’artiste Joan Miro : « Ce que je recherche est un mouvement immobile, équivalent à ce que l’on appelle l’éloquence du silence. »

[3] Joan Miro (1893 – 1983) est un artiste catalan espagnol proche du mouvement surréaliste. Ses œuvres sont connues pour leurs couleurs vives dominées par le bleu, la recherche permanente de mouvement et la création de formes oniriques.

[4] Période de « Traversée du désert » dans le travail de Méné, des années 2003 à 2006.

[5] Période « Boribana », qui signifie fin de course en Malinké, caractérise le travail de Méné des années 2007 à aujourd’hui.

[6]  Expression tirée du poème de Bernard Binlin Dadié, Homme de tous les continents, 1916.

 

Méné

Ange Martial Méné, né à Abidjan en Côte d’Ivoire en 1977, diplômé en 2002 de l’École Nationale des Beaux-Arts d’Abidjan (ENBA) et du Centre de Formation Pédagogique pour les Arts et la Culture (CFPAC), est un artiste plasticien influencé par la peinture rupestre.  Il fait de cette écriture ancienne son mode d’expression et puise dans le passé pour mieux comprendre son présent. Son travail se veut la continuité d’une civilisation ancienne enrichie par le modernisme.

« A l’origine était l’innocence et la pureté », cette vision des choses guide l’artiste dans son travail en l’emmenant au minimalisme des formes et à la sobriété des couleurs. L’artiste éprouve le besoin de s’exprimer avec de la matière en utilisant différents supports et pigments : terre, kaolin, sable, jus d’écorce... Fonds et formes constituent un tout dans une dynamique de matières fusionnées.

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