
GUEULE TAPÉE Daradja
GOPAL DAGNOGO
03 MAI - 12 JUILLET 2025
OH GALLERY, DAKAR
PRÉSENTATION
Gopal Dagnogo, l’accident joyeux de la peinture
texte de Romane Mélingue
Né en 1973 à Abidjan, Gopal Dagnogo grandit dans une famille baignée par l’art et la culture : un père historien, une mère professeure d’arts plastiques, deux frères formés aux Beaux-Arts d’Abidjan qui l’initieront au dessin académique. Très tôt, la peinture devient pour lui un langage naturel, viscéral, un refuge contre la servitude volontaire et l’absurdité du monde adulte. Adolescent, il quitte la Côte d’Ivoire pour la France, poursuivant sa formation dans une classe Philosophie et Arts plastiques à Bordeaux, sous l’influence marquante de Jacques Abeille qui élargit ses horizons artistiques, jusque-là très marqués par l’académisme européen, vers l’art conceptuel.
De la Renaissance européenne à Matisse, d’Antoni Tàpies à Vincent Van Gogh, les influences de Dagnogo sont multiples, mais toutes convergent vers une peinture où l’instinct prime sur la préméditation, où l’accident devient opportunité créative. Refusant l’idée d’une œuvre purement conceptuelle, il privilégie un art vivant, immédiat, nourri d’imprévisible et de spontanéité.
Une esthétique de la banalité
Largement influencé par la nature morte, Gopal Dagnogo s’attache à redonner aux objets ordinaires une présence poétique, symbolique, et parfois grinçante.
À travers ses peintures en techniques mixtes, il rend hommage à la « banalité du quotidien » et questionne en profondeur notre rapport au monde. Les objets récurrents dans ses œuvres – baskets Converse, bouteilles, fauteuils victoriens, assiettes de fruits et de légumes – deviennent autant de symboles d'un monde saturé de contradictions, d’une mémoire fragmentée entre errances et espoirs contemporains. À travers ces motifs simples, l’artiste propose une satire sociale féroce : il confronte les spectateurs aux paradoxes de notre modernité – surconsommation effrénée, quête vaine du bonheur par l'accumulation, standardisation des modes de vie, médiatisation à outrance.
Dans le cadre de cette exposition à la galerie OH, Gopal Dagnogo emprunte une voie résolument différente, moins tournée vers la dénonciation que vers une lecture plus intérieure et contemplative du monde qui l’entoure. Ce changement d’orientation, sans rompre avec les fondamentaux de son travail, révèle une autre facette de son art, plus intime.
Dakar et la Médina : une nouvelle inspiration
En résidence à la galerie OH, Gopal Dagnogo a récemment posé ses valises dans le quartier de la Médina. Symbole de l’esprit d’insoumission, de vitalité créative et de brassage culturel propre à Dakar, ce lieu emblématique marque une étape importante dans l’évolution de son travail. Son immersion dans cette cité historique, née en 1914 des tensions entre l’administration coloniale française et les populations locales, a ouvert de nouveaux horizons esthétiques et symboliques à son œuvre.
Baptisée en référence à la Médine d’Arabie pour apaiser les populations locales déplacées par l’administration coloniale française, la Médina de Dakar est devenue, au fil des décennies, un foyer essentiel de la création artistique sénégalaise. Elle a vu naître des générations d’artistes, de musiciens, de photographes et de dramaturges qui ont façonné l'identité culturelle de la ville, dans un espace urbain marqué par l'effervescence.
De ce quartier, qui a accueilli l'atelier libre de Pierre Lods et les expérimentations de l'École de Dakar, Gopal Dagnogo puise une énergie nouvelle, qui se traduit par une matérialité plus brute de ses œuvres, renouant avec certaines de ces expérimentations des années 1990, et résonne directement avec sa propre démarche intuitive. L’appel à la prière, les psalmodies mourides, la rumeur incessante de la rue viennent imprégner la gestuelle de l’artiste, renforçant la dimension chorégraphique, presque musicale, de son geste pictural. La ville n’est plus seulement motif, mais sujet de la peinture : peindre Dakar, c’est adopter son rythme, son énergie, ses ruptures, ses contrastes.
Un langage plastique libre et vivant
Gopal Dagnogo cultive une approche de la peinture libre, intuitive et radicalement expérimentale, héritée d’un rejet ancien de toute forme de scolarisation imposée et qui résonne comme un écho à l’histoire politique et artistique de la Médina. Revenu à la peinture après une pause de près de dix ans dans sa pratique, il fait sienne la peinture acrylique pour sa rapidité de séchage, sa plasticité et son dynamisme. Ses œuvres naissent sans esquisse, souvent déclenchées par un premier jet de couleur, autour duquel le tableau s’organise dans un état d'absence quasi méditatif, proche du dessin automatique.
La surface picturale, tumultueuse, laisse cohabiter des couleurs vives, des formes semi-abstraites, parfois anthropomorphes ou zoomorphes, dans un équilibre instable et fascinant. Le spectateur est invité à une exploration sensorielle : on croit presque sentir les odeurs, entendre les bruissements d'une ville en ébullition.
Une matérialité transformée
La matérialité même des œuvres se trouve transformée par cette rencontre : désormais, Gopal Dagnogo privilégie une peinture pour bâtiment plus texturée, faisant écho aux façades colorées et écaillées du quartier. Il explore de nouveaux formats, où la dimension installative invite à la déambulation.
Le motif de la porte — « bunt » en wolof — devient chez lui un symbole fort : passage, ouverture vers d’autres mondes, appel au déplacement physique comme spirituel. Son travail, désormais, ne se limite plus à la toile : des panneaux de bois assemblés et soclés, provenant d’anciennes tables de marchands ambulants datant des années 1970-1980, incitent à une circulation autour de l’œuvre, encourageant le spectateur à un mouvement continu, à une exploration active.
La Médina ne transforme pas l’artiste ; elle révèle ce qu’il a toujours été : un observateur sensible des réalités humaines, capable de transmuter l’ordinaire en poésie visuelle, de conjuguer la critique sociale avec une joie plastique irrésistible.
Un nouvel alphabet visuel
Fasciné par l'élégance graphique des lettres, leur pouvoir d'abstraction et leur charge symbolique, Dagnogo a pour habitude d’intégrer à ses toiles des fragments de textes. Dans cette série, il s’inspire de versets du Coran, qu’il stylise en privilégiant la force visuelle au sens littéral. « Explorateur des signes » et « chorégraphe des lettres », il puise son inspiration dans l’histoire de la calligraphie arabe enseignée dans les écoles coraniques très présentes dans le paysage sénégalais. Il crée ainsi des compositions abstraites où la lettre s’émancipe de sa signification première. Prolongement naturel de son goût pour la typographie, la calligraphie devient ici un terrain d’expérimentation formel mais aussi un espace de réflexion sur la mémoire, la transmission et l'ambiguïté des signes - nourri de son goût pour la subversion.
Artiste de l’absurde et humble témoin d’un monde chahuté, Gopal Dagnogo trouve ainsi dans Dakar un miroir vivant de sa propre démarche, où l’art est divertissement, l’imprévu guide la création et la beauté surgit de l’instant présent. Le titre de l’exposition, Gueule tapée – Daradja, en porte l’écho. Il convoque à la fois un territoire bien réel – le quartier dakarois de Gueule Tapée – et une dimension symbolique par le mot wolof daradja, qui renvoie à la bénédiction, à l’élévation et au panache.
évènements
C O N V E R S A T I O N
- R E N C O N T R E -
Rencontre avec l’artiste
Samedi 03 mai 2025 à 16h
Captation vidéo de la rencontre disponible ultérieurement.
O H L I B R A R Y
- L A B I B L I O T H È Q U E N O M A D -
Rencontre avec La Bibliothèque Nomad
Samedi 22 février 2025 de 15h à 18h
A T E L I E R S
- L E S E L D A K A R -
Samedis 31 mai 2025
Samedis 07 juin 2025
A C T U A L I T É S
- R É S I D E N C E D’ A R T I S T E -
Retour sur la résidence d’artiste et les recherches de Gopal durant le mois d’Avril à Dakar en amont de son exposition Gueule Tapée - Daradja.
Informations à venir
A C T U A L I T É S
- V I S I T E D’ A T E L I E R -
Samedi 26 avril 2025
Médina, Dakar
Informations à venir
Œuvres
La résidence de d’artiste effectuée par Gopal Dagnogo a Dakar s’est déroulée en avril 2025.
Images réalisées par Morel Donou.
ATELIER & RÉSIDENCE D’ARTISTE
À PROPOS
GOPal dagnogo
Né en 1973 à Abidjan d’un père ivoirien, universitaire en histoire et d’une mère française diplômée des Arts décoratifs de Paris, Gopal Dagnogo grandit dans un milieu familial artistique. Il part pour Bordeaux en 1991 pour y suivre un cursus en arts plastiques qu’il débute au lycée. Désireux d’apprendre les techniques de travail du bronze traditionnel, il s’installe en 1997 au Burkina Faso, à Ouagadougou. Il y mène un travail expérimental sur la matière, mêlant bois, textile, métal, reproduisant ainsi des objets spirituels comme des amulettes ou des grigris. Lors de ce séjour, il rencontre Solly Cissé, tout juste diplômé de l’Ecole des Arts de Dakar, avec qui il vit une proximité intellectuelle et artistique.
Trois ans plus tard, il revient en France et s’installe à Paris. Conscient des mécanismes du capitalisme qui régissent le monde de l’art, il décide d’en faire son terrain de jeu, intégrant à ses œuvres décoratives des objets de la société de consommation. Ses natures mortes sacralisent des éléments du quotidien, matérialisant le caractère absurde de l’existence humaine.
Entre 2001 et 2009, entre 2001 et 2009 il suspend provisoirement ses activités artistiques. Depuis 2010, il participe à de nombreuses expositions en Afrique, notamment à la 11ème et 12ème édition de la Biennale de Dakar (2014 et 2016), mais aussi en Europe, aux Etats-Unis ou en Asie.
Gopal Dagnogo expose régulièrement sur la scène internationale. Il a notamment participé à la première Biennale de Kampala (2014) et au festival Maiden Tower à Bakou (2014), ainsi qu’à des événements portés par l’UNESCO, à Paris, Venise et en Andorre. En 2019, son travail a été présenté au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain à Rabat dans l’exposition In-Discipline, et à la Skoto Gallery de New York dans l’exposition personnelle Wild Joy. Il a également été invité en résidence à la Fondation Montresso à Marrakech (2018) et à ART OMI à New York (2014).
Parmi ses expositions personnelles récentes, on compte Still Life Rhapsody (OH GALLERY, Dakar, 2020) et Tell Me Your Story, présentée en 2022 dans le cadre de l’édition OFF de la Biennale de Dakar. Son œuvre a aussi été montrée au Parlement européen à Strasbourg (2011) et au Musée national Cotroceni à Bucarest (2013).
Ses œuvres figurent dans plusieurs collections publiques et privées, parmi lesquelles le Lisser Art Museum (Pays-Bas), le Hikaru Museum (Japon), NGALA African Contemporary Art Space (Suisse), la Fondation Montresso (Maroc) et la collection de Sa Majesté le Roi Mohammed VI.
© Julie Muzard.
ROMANE MÉLINGUE
Historienne des arts de l’Afrique de formation, Romane Mélingue est attachée de conservation. Ses travaux ont porté sur la place du costume de scène dans l’identité visuelle de l’artiste Björk et sur les liens qu’il entretient avec sa création musicale. Actuellement chargée de recherche et de production au Musée de la musique, elle coordonne le réaménagement de son parcours permanent, conçu comme une invitation à reconnecter les patrimoines musicaux du monde entier, en mettant en lumière leur dynamique historique et leur vitalité contemporaine.