Théodore Diouf à la Biennale de São Paulo 2025 : L'École de Dakar au cœur des convergences Sud-Sud, par Charlotte Lidon
Théodore Diouf, Sans titre,1970-80, gouache sur canson, 50 x 65 cm
Introduction : Une modernité alternative au prisme de l'œuvre de Théodore Diouf
La participation de Théodore Diouf à la 36e Biennale de São Paulo, dirigée par le commissaire camerounais Bonaventure Soh Bejeng Ndikung, constitue un moment privilégié pour appréhender les convergences esthétiques qui ont façonné les modernismes postcoloniaux des années 1960-1970. Ndikung, directeur de la Haus der Kulturen der Welt à Berlin et théoricien reconnu des pratiques artistiques africaines contemporaines, a développé depuis plus d'une décennie une approche curatoriale qui privilégie les généalogies artistiques alternatives et interroge les canons occidentaux[1].
La sélection curatoriale de São Paulo 2025 met en lumière l'ampleur d'un phénomène longtemps occulté : l'émergence simultanée, de Brazzaville à Dakar, en passant par Casablanca, du Proche-Orient au Brésil, de nouvelles formes plastiques attestant l'existence d'une modernité alternative. Celle-ci ne se définit pas uniquement par opposition aux récits eurocentrés[2], mais aussi par des échanges transversaux — Afrique, Maghreb, Amérique latine, Asie — qui ont engendré des formes hybrides et des positionnements critiques communs[3].
Dans cette perspective, la présence de Théodore Diouf aux côtés d'artistes nés avant 1950 — Ernest Mancoba et Ernest Cole (Afrique du Sud), François Thango (Congo), Farid Belkahia et Mohamed Melehi (Maroc), Edival Ramosa et Kenzi Shiokava (Brésil), Kamala Ibrahim Ishag (Soudan), Imran Mir (Pakistan) — offre une occasion unique d'analyser comment différents foyers créatifs ont élaboré des langages visuels autonomes au lendemain des indépendances. Ces trajectoires révèlent des méthodes convergentes de réappropriation de matériaux et motifs locaux, d'hybridation des codes modernistes ainsi qu'une inscription des œuvres dans une géopolitique culturelle Sud-Sud.
Formé au sein de l'École de Dakar— mouvement artistique né dans les années 1960 sous l'impulsion du président Léopold Sédar Senghor, privilégiant une synthèse entre modernité plastique et références cosmogoniques africaines — Diouf incarne cette écriture d'une histoire de l'art moderne globalisé qui s'élabore en marge, voire en dehors, des cadres historiographiques eurocentrés[4]. Son parcours et ses œuvres mis en regard de celles de ses contemporains montrent comment les modernismes périphériques, loin d'être de simples déclinaisons régionales, ont constitué de véritables laboratoires d'innovations plastiques et idéologiques.
Cette exploration se déploiera en deux temps complémentaires. Nous analyserons les convergences décoloniales qui émergent entre 1950 et 1980, en examinant la politique culturelle senghorienne à l'origine de l'École de Dakar, la révolution esthétique de l'École de Casablanca, et le laboratoire culturel brésilien qui anticipe ces questionnements. Nous cartographierons ensuite les constellations géographiques de cette génération de modernités décoloniales présente à São Paulo 2025, révélant leurs stratégies plastiques communes, leurs géographies alternatives de résistance, et leurs innovations matérielles.
Pour conclure, nous examinerons comment cette Biennale, en consacrant ces trajectoires artistiques longtemps marginalisées, participe à l'écriture d'un nouveau récit de l'art moderne où les anciens territoires colonisés cessent d'être des périphéries pour redevenir des centres créatifs à part entière.
Modernismes post-indépendance : convergences décoloniales (1950-1980)
La politique culturelle de Senghor (1960-1980) et l'émergence de l'École de Dakar
Devenu président de la République du Sénégal en 1960, Léopold Sédar Senghor s'investit immédiatement dans le développement d'une politique culturelle inscrite dans le contexte des décolonisations africaines et de l'affirmation identitaire post-indépendance. Sa vision s'articule autour du concept de négritude, qu'il théorise depuis les années 1930, visant à réhabiliter les valeurs civilisationnelles africaines face aux stigmates coloniaux tout en démontrant la capacité créatrice africaine[5]. Ce type de démarche correspond à ce que Chika Okeke-Agulu désigne comme une « modernité postcoloniale » — une hybridation consciente des formes modernistes avec les traditions autochtones[6]. Cette politique repose sur une double stratégie que l'œuvre de Théodore Diouf incarne parfaitement : légitimer l'art africain contemporain dans les circuits internationaux tout en affirmant une spécificité esthétique enracinée dans les cosmogonies locales.
Pour mettre en œuvre sa vision, Senghor développe un ensemble d'institutions culturelles qui servent de fondement à la dynamisation de la vie artistique nationale. Dès 1960, il affirme sa politique culturelle avec la création de l'École des arts, fleuron du dispositif qui regroupe plusieurs entités, dont l'École Normale Supérieure d'Éducation Artistique (ENSEA), l'École Nationale des Beaux-Arts (ENBA), et le Conservatoire National de Musique, de Danse et d'Art Dramatique (CNMDAD).
Le sommet de cette politique reste sans conteste le Festival mondial des arts nègres d'avril 1966, organisé à l'initiative de la revue Présence Africaine et de la Société africaine de culture, un événement culturel pluridisciplinaire majeur et sans précédent dans l'histoire culturelle du continent[7]. Cette manifestation internationale, rassemblant les pays ayant fraîchement accédé à l'indépendance[8], visait selon Senghor à « parvenir à une meilleure compréhension internationale et interraciale, [et] affirmer la contribution des artistes et écrivains noirs aux grands courants universels de pensée »[9]. À cette occasion, Senghor inaugure également le Musée Dynamique de Dakar ainsi que la Manufacture nationale de tapisserie de Thiès, piliers de son soutien à la création artistique.
La transmission pédagogique Pierre Lods : de Poto-Poto à Dakar
C'est dans ce contexte institutionnel que s'inscrit la formation artistique de Théodore Diouf, né en 1949 à Bidjog au Sénégal. Formé au Centre d'enseignement des techniques artisanales de Dakar, puis à l'École nationale des arts de Dakar (1969-1971), il suit les cours de Pierre Lods, tout juste arrivé du Congo où il animait depuis 1951 un atelier de peinture à Poto-Poto, quartier de Brazzaville.
Cette transmission pédagogique directe entre l'École de Poto-Poto et l'École de Dakar constitue un moment fondateur dans l'élaboration d'une modernité artistique africaine, révélant une continuité géographique et méthodologique qui dépasse les frontières nationales. Invité par Senghor à Dakar, Lods poursuit ses expérimentations artistiques basées sur la liberté d'expression, développant une approche qui contraste avec l'enseignement plus académique dispensé par d'autres professeurs de l'École.
Au contact de Lods, la pratique artistique de Diouf se libère progressivement, transformant l'observation directe de la nature en ressource esthétique contemporaine. L'artiste témoigne : « Tous les matins, je me pressais de boire mon café et j'entrais dans la brousse. Sur des petits carnets, je dessinais des feuilles, des formes. Ce sont ces formes-là, que j'ai développées, qui petit à petit m'ont emmené à l'exposition du Grand Palais »[10].
L'évolution stylistique de Diouf témoigne de cette méthode d'observation progressive. Ses compositions de jeunesse (circa 1969-1971) révèlent encore des traces figuratives reconnaissables : formes animales stylisées aux contours angulaires se détachant sur des fonds colorés uniformes, végétation schématisée mais identifiable. Ces œuvres sur papier, où des silhouettes élancées évoquent encore des figures humaines dans des paysages stylisés aux tons verts, oranges et roses, correspondent à la « libération créatrice » prônée par Lods, période où l'observation directe de la faune et de la flore sahéliennes se transforme progressivement en vocabulaire plastique autonome. * choisir visuel OH *
Cette filiation pédagogique établit une continuité esthétique avec François Thango (1936-1981), figure emblématique de l'École de Poto-Poto formé par Lods dans la même philosophie de libération créatrice. Thango développait déjà cette approche qui préfigure l'œuvre de Diouf : des compositions où formes simples et aplats de couleurs servent une narration enracinée dans la culture locale, transformant les acquis formels modernistes en langages plastiques authentiquement africains.
L'œuvre de Diouf comme synthèse senghorienne
Le travail de Théodore Diouf illustre l'aboutissement de cette politique culturelle senghorienne, développant une synthèse originale entre cosmogonies sénégalaises et expérimentation plastique moderne, échappant aux pièges de l'assignation primitiviste: « En réinventant le thème de la faune et de la flore à partir d'un vocabulaire formel résolument tourné vers le modernisme, Théodore Diouf déjoue le piège de l'assignation à la nature, de la représentation d'un Éden africain forcément primitivisant pour les critiques de l'époque »[11].
L'analyse de ses œuvres révèle une maîtrise progressive de cette synthèse décoloniale. Ses compositions des années 1970-1980 privilégient des couleurs chaudes évoquant les paysages sahéliens et les textiles traditionnels sénégalais : ocres, terres de Sienne, oranges saturés contrastant avec des bleus profonds ou des verts intenses. Cette palette chromatique, dominée par les tons terre et les contrastes vibrants constitue un marqueur identitaire qui résiste à l'uniformisation esthétique occidentale tout en s'inscrivant dans les circuits internationaux de l'art contemporain.
La géométrisation progressive de ses formes témoigne d'une stratégie esthétique sophistiquée.
Théodore Diouf, Sans titre 01, 1985, acrylique sur papier, 24 x 33 cm
Collection de l’artiste
Là où ses premières œuvres conservent encore une lisibilité figurative, ses compositions ultérieures transforment les observations botaniques en systèmes de formes découpées, entrelacées selon des logiques rythmiques qui évoquent les motifs textiles traditionnels sans jamais les copier littéralement. Ses gouaches sur papier illustrent parfaitement cette évolution : formes géométriques interconnectées qui semblent danser sur des fonds colorés, créant des rythmes visuels hypnotiques qui évoquent à la fois l'art décoratif traditionnel et l'abstraction moderne.
Théodore Diouf, Sans titre, 1970-1978, acrylique/gouache sur papier, 65 x 50 cm.
Collection privée, New York, Etats-Unis
Cette appropriation critique du vocabulaire moderniste occidental se manifeste par la planéité assumée, le refus de la perspective traditionnelle, et l'organisation sérielle de l'espace.
Figure emblématique de l'École de Dakar aux côtés de Bocar Pathé Diong et Amadou Seck, Diouf devient l'un des ambassadeurs de cette renaissance créatrice visant, selon la formule senghorienne, à définir une modernité spécifiquement africaine capable d'apporter quelque chose au monde[12].
L'École de Casablanca : révolution esthétique et pédagogique décoloniale (1962-1974)
Plus au nord, au Maroc, l'École de Casablanca — contemporaine de l'École de Dakar — constitue un point de convergence essentiel pour comprendre l'inscription de Diouf dans un mouvement plus large de modernismes post-indépendance, développant des stratégies communes de décolonisation esthétique.
Lorsque Farid Belkahia est nommé directeur de l'École des beaux-arts de Casablanca en 1962, fonction qu'il occupe jusqu'en 1974, il révolutionne la pédagogie artistique en rejetant l'hégémonie occidentale et en développant une approche formelle qui transforme l'observation de la nature et des traditions en vocabulaire abstrait contemporain.
Le mouvement se cristallise autour de Belkahia, Mohammed Chabâa, Mohamed Melehi, Toni Maraini et Bert Flint, qui développent une esthétique supposant un dépassement de la logique progressiste du modernisme occidental. Dans les ateliers de peinture et de graphisme, Melehi et Belkahia intègrent tapis et tissages, substituant aux représentations de la culture classique occidentale une histoire de l'art marocaine réinventée, constituant ainsi les bases d'une éducation artistique anticoloniale[13].
Convergences plastiques : Belkahia et Diouf face à la nature
Farid Belkahia (1934-2014), figure tutélaire du mouvement et présent à São Paulo 2025, incarne une recherche formelle qui fait écho à la démarche de Diouf par sa capacité à transformer les ressources culturelles locales en langage plastique contemporain.
Formé à l'École des Beaux-Arts de Paris, où il découvre Paul Klee et le Bauhaus, Belkahia développe à partir des années 1960 une pratique qui réinterprète la nature à travers des formes épurées et répétitives, abandonnant la toile traditionnelle pour le cuir, travaillé selon des techniques ancestrales, et utilisant des pigments naturels comme le henné, l'indigo et l'ocre.
Cette approche de simplification formelle et de décolonisation matérielle trouve un écho direct dans les compositions géométriques de Diouf des années 1980. Ses formes entrelacées sur fonds ocres ou oranges évoquent immédiatement les compositions au henné de Belkahia : même palette ocre-terre dominante, même organisation rythmique de l'espace basée sur l'alternance et la répétition, même refus de la perspective occidentale au profit d'une planéité décorative assumée qui puise dans les traditions artisanales locales.
Théodore Diouf, Arabesque, 1986, gouache sur papier, 49,8 x 65 cm
De même que Belkahia intègre des techniques berbères ancestrales, Diouf puise dans son environnement sénégalais immédiat pour décoloniser sa palette chromatique et affirmer une spécificité culturelle sans tomber dans le folklore illustratif.
Melehi et Diouf : sérialité et variation comme stratégie commune
Mohamed Melehi (1936-2020), autre figure emblématique du mouvement et également présent à la Biennale de São Paulo, complète cette recherche par son travail sur la répétition et la variation formelle, qui résonne avec l'approche sérielle de Diouf.
Formé à Rome et à New York, Melehi développe son motif iconique de la vague ondulante, issu d'une observation stylisée des paysages naturels marocains. Ce motif devient un système plastique décliné en rythmes visuels hypnotiques et en gammes colorées vives — rouge, bleu, jaune d'abord pour s'élargir ensuite vers une palette plus variée.
L'analyse comparative révèle des convergences techniques frappantes avec les œuvres géométriques de Théodore Diouf. Comme Melehi systématise son motif de vague qu'il décline en variations chromatiques pures, Diouf développe un vocabulaire de formes découpées et angulaires qu'il organise selon des principes sériels. Ses compositions sur fonds colorés illustrent parfaitement cette méthode : formes géométriques noires, brunes et jaunes qui se répètent avec des variations subtiles, créant ces « rythmes visuels hypnotiques » caractéristiques des modernismes décoloniaux.
Théodore Diouf, Sans titre, 1985, grave, EP, 40 x 51 cm
Cette méthode partagée, fondée sur l'observation, la stylisation et la systématisation, permet aux deux artistes de dépasser le folklorisme anecdotique pour créer des langages plastiques autonomes, affirmant leur modernité tout en conservant un ancrage culturel fort. La sérialité devient chez eux un outil de décolonisation esthétique : en répétant et variant des motifs issus de leur environnement local, ils créent des compositions qui rivalisent avec l'art occidental sans l'imiter.
Présence Plastique : manifeste d'une rupture esthétique
L'apogée du mouvement survient en 1969 avec Présence Plastique, exposition en plein air sur la place Jemaa El Fna à Marrakech puis place du 16 novembre à Casablanca. Cette manifestation proteste contre le Salon du Printemps, héritage de la tradition artistique coloniale française au Maroc, et marque une rupture définitive avec l'esthétique coloniale.
Elle affirme la volonté de promouvoir une modernité authentiquement marocaine, nourrie de références locales et inscrite dans un dialogue avec d'autres foyers de modernismes post-coloniaux comme Dakar ou São Paulo.
Brésil : laboratoire culturel
À l'occasion de cette 36e Biennale de São Paulo, le modernisme brésilien apparaît comme un miroir fécond des mouvements décoloniaux africains, notamment ceux de l'École de Casablanca et de l'École de Dakar. Il révèle des stratégies esthétiques similaires visant à forger une identité culturelle autonome face aux modèles européens dominants.
L'émergence d'une conscience décoloniale (1917-1922)
L'histoire du modernisme brésilien débute véritablement en 1917, avec l'exposition d'Anita Malfatti. Ses peintures expressionnistes, représentant immigrés et marginaux, défient l'académisme naturaliste en vigueur et provoquent de vives réactions[14]. Cette rupture attire autour d'elle des intellectuels comme Oswald de Andrade et Emiliano Di Cavalcanti, qui se regroupent en opposition aux critiques conservatrices.
La Semaine d'art moderne qui s'est tenue du 13 au 17 février 1922 au Théâtre municipal de São Paulo marque l'acte fondateur du modernisme. Cet événement pluridisciplinaire réunit littérature, poésie, arts plastiques et musique. Autour du « Groupe des Cinq » — Mário de Andrade, Oswald de Andrade, Di Cavalcanti, Anita Malfatti et Tarsila do Amaral —, soutenus par l'élite caféière pauliste et par le gouverneur Washington Luís, s'affirme un projet collectif : rompre avec l'académisme et affirmer une modernité brésilienne nourrie du cubisme, du futurisme ou du surréalisme.
L'élan moderniste brésilien trouve des échos remarquables dans d'autres contextes postcoloniaux. Comme au Brésil, où il s'agit de conjuguer influences européennes et affirmation identitaire locale, l'École de Dakar des années 1960-1970 et l'École de Casablanca développent des stratégies similaires : approprier les codes occidentaux tout en puisant dans les ressources esthétiques propres à leurs territoires. Ces expériences montrent qu'il ne s'agissait pas seulement de choisir entre tradition et modernité, mais d'inventer des voies artistiques originales[15].
L'ironie veut que ce soit à Paris que certains artistes découvrent leur « brésilianité ». Tarsila do Amaral, formée auprès de Fernand Léger en 1923, incarne cette prise de conscience en élaborant progressivement un style pionnier du modernisme brésilien[16]. Ses compositions colorées aux formes biomorphes simplifiées trouvent un écho direct dans les œuvres de jeunesse de Diouf : même usage de couleurs vives non-naturalistes, même hybridation entre figuration stylisée et abstraction, même stratégie d'appropriation critique du vocabulaire moderniste européen pour créer un langage plastique authentiquement local.
Ce processus fait écho à la démarche sénégalaise : Senghor incite les artistes à puiser dans leurs racines africaines tout en maîtrisant les techniques européennes[17]. De son côté, Mário de Andrade théorise l'« anthropophagie culturelle » : digérer les influences européennes pour mieux les transformer. Cette stratégie, comparable à celle de l'École de Casablanca, propose une assimilation critique plutôt qu'une imitation[18].
La dimension décoloniale du modernisme trouve son prolongement conceptuel dans le quilombismo d'Abdias Nascimento (1914-2011). Artiste, écrivain et homme politique, Nascimento puise dans l'histoire des quilombos — communautés d'esclaves fugitifs — pour élaborer une philosophie politique et culturelle afro-brésilienne. Comme la négritude senghorienne, le quilombismo valorise l'héritage africain, tout en dénonçant le mythe d'une « démocratie raciale » brésilienne, et en affirmant une identité afro-brésilienne autonome[19].
Cette filiation intellectuelle est aujourd'hui reconnue : Bonaventure Soh Bejeng Ndikung a consacré une exposition à cette notion lors de sa prise de fonction à la Haus der Kulturen der Welt[20] (Berlin), et l'Art Institute of Chicago, avec Project a Black Planet: The Art and Culture of Panafrica[21], a intégré le quilombismo dans une réflexion élargie sur les cultures panafricaines. Ces choix curatoriaux confirment la cohérence du projet de São Paulo 2025 et l'importance des généalogies Sud-Sud dans l'histoire des modernités.
Si les années 1920 furent une décennie d'effervescence du modernisme en devenir, les années 1930 s'annoncèrent comme une période de maturation et d'institutionnalisation. Le gouvernement de Getúlio Vargas (1937-1945), pour s'opposer au libéralisme et au régionalisme qui avaient caractérisé la Première République, mena une politique centralisatrice qui avait pour but de créer un « nouvel homme brésilien »[22]. Dès lors, la culture et l'éducation devinrent prioritaires, nécessaires pour modeler l'« âme de la nation ».
L'Estado Novo[23], fraîchement instauré, instrumentalise le modernisme pour forger une identité nationale. Le ministère de l'Éducation dirigé par Gustavo Capanema, conçu par Lúcio Costa avec l'aide de Le Corbusier, illustre cette synthèse entre modernité internationale et tradition réinventée. Dans le même esprit, Candido Portinari crée une iconographie monumentale qui intègre populations noires et métisses comme protagonistes de l'histoire nationale — une représentation décoloniale avant la lettre, comparable aux figures héroïques de l'art de l'École de Dakar.
Spécificités du laboratoire brésilien
Contrairement aux écoles africaines, nées dans un contexte de décolonisation politique récente, le modernisme brésilien s'élabore dans une nation indépendante depuis 1822[24] mais encore culturellement soumise. Cette situation paradoxale lui confère une liberté particulière : inventer une avant-garde consciente de la nécessité d'une action culturelle radicale.
Le Brésil devient ainsi un véritable laboratoire de modernité périphérique, anticipant les réflexions que mèneront, des décennies plus tard, Dakar et Casablanca sur l'articulation entre universalisme et spécificités locales.
Constellations géographiques : la génération des modernités décoloniales présentes à la Biennale de São Paulo
La présence conjointe à São Paulo 2025 d'artistes issus des anciennes colonies africaines, du monde arabe, du sous-continent indien et de l'Amérique latine matérialise dans l'espace muséal l'hypothèse d'une géopolitique culturelle Sud-Sud. Cette génération, née dans l'entre-deux-guerres et formée au moment des décolonisations, a élaboré des réseaux d'influences qui contournent les circuits artistiques métropolitains. Leurs œuvres attestent l'existence de circulations esthétiques horizontales et de stratégies plastiques communes qui redessinent la carte des modernismes.
Stratégies plastiques communes : l'invention d'un langage décolonial
La synthèse culturelle comme méthode révolutionnaire
Ernest Mancoba (1904-2002, Afrique du Sud) apparaît comme l'un des précurseurs majeurs de cette démarche de synthèse entre modernisme occidental et références culturelles africaines, anticipant de près de trois décennies les développements de l'École de Dakar[25].
Formé dans un cadre missionnaire à l'Université de Fort Hare, Mancoba développe dès les années 1930 une approche d'hybridation créatrice qui préfigure directement les stratégies ultérieures de Théodore Diouf. Sa sculpture Faith (1936), fusion d'une mère et de son enfant taillée dans le bois, témoigne d'une sensibilité africaine alliée à des formes modernistes. Cette œuvre manifeste déjà l'intention de dépasser les oppositions tradition/modernité et annonce la fusion des formes cosmogoniques que Diouf explorera dans son œuvre.
L'évolution comparative entre Mancoba et Diouf révèle des parallèles techniques frappants. Les compositions abstraites de Mancoba des années 1960 — formes angulaires et découpées se détachant sur des fonds contrastés — préfigurent directement la méthode de Diouf visible dans ses œuvres de maturité : même passage de la figuration africaine vers l'abstraction moderne, même tension entre lisibilité culturelle et universalisme moderniste, même génération de transition post-indépendance qui transforme l'observation locale en vocabulaire plastique contemporain.
L'attrait qu'exercent sur Mancoba les productions plastiques africaines se renforce lors de sa découverte du primitivisme occidental — mais ici, il s'agit d'une appropriation inversée : utiliser les codes modernistes pour révéler la contemporanéité des formes africaines ancestrales[26]. Cette stratégie, que Mancoba met en œuvre dans sa peinture et sa sculpture, trouve un écho chez Diouf, qui stylise les formes végétales ou animales issues de l'observation directe pour les transformer en vocabulaire plastique contemporain[27].
L'extension transcontinentale des méthodes décoloniales
Cette stratégie se retrouve au Pakistan avec Imran Mir (né en 1950), qui transforme la calligraphie ourdoue et les motifs moghols en compositions abstraites contemporaines. Formé au National College of Arts de Lahore puis à la Slade School de Londres, Mir adopte une méthode de réinvention des écritures traditionnelles comme ressource plastique moderne[28]. Ce procédé de transformation des signes culturels locaux en abstraction géométrique fait écho aux recherches de Diouf sur les formes cosmogoniques et la statuaire sénégalaises, visible dans ses compositions où les motifs stylisés deviennent systèmes décoratifs répétitifs.
Des convergences se dessinent également au Proche-Orient : Huguette Caland (1931-2019, Liban) détourne l'abstraction lyrique française en y intégrant calligraphie arabe et références textiles, tandis que Behjat Sadr (1924-2009, Iran) associe techniques occidentales et savoir-faire persans traditionnels. Ces démarches partagent avec l'École de Dakar et l'École de Casablanca l'objectif d'une décolonisation technique qui privilégie matériaux et méthodes locales pour renouveler le vocabulaire moderniste.
Géographies alternatives : cartographier les résistances
La documentation comme contre-narration
De son côté, Ernest Cole (1940-1990, Afrique du Sud) développe une stratégie différente mais complémentaire de résistance culturelle, élargissant le spectre des méthodes de décolonisation esthétique. Là où Mancoba et Diouf transforment les références traditionnelles en abstraction moderne, Cole utilise la photographie comme outil de contre-narration.
Son ouvrage House of Bondage (1967)[29] constitue un témoignage implacable sur les réalités de l'apartheid, détournant l'outil documentaire pour en faire un instrument de dénonciation et de dignité. Cette approche résonne avec les stratégies picturales de Diouf : en retournant les codes visuels occidentaux contre leurs préjugés, Cole développe une esthétique qui contredit les représentations coloniales, tout comme Diouf subvertit les codes modernistes pour mettre en valeur la contemporanéité des formes africaines.
La cartographie comme outil critique
Cette approche documentaire trouve un prolongement dans l'œuvre de Frank Bowling (né en 1934, Guyana). Ses Map Paintings (années 1960-70) superposent des cartes géographiques à des compositions abstraites, détournant la géométrie moderniste pour questionner les représentations cartographiques héritées de la colonisation[30].
Kamala Ibrahim Ishag : géographies du paysage
Plus au nord, Kamala Ibrahim Ishag (née en 1939, Soudan) développe une réinterprétation du paysage qui révèle une méthode commune de stylisation progressive transcendant les frontières africaines. Formée au Royal College of Art de Londres, elle transforme l'observation du Nil, des formations géologiques du désert et des variations climatiques du Sahel en formes abstraites, épurées et fluides[31]. L'analyse comparative de ses œuvres des années 1970 et de celles de Diouf révèle des convergences techniques remarquables. Là où Diouf stylise les formes végétales observées dans la brousse sénégalaise en compositions aux lignes essentielles, Ishag transpose les ondulations du Nil en compositions abstraites où les lignes fluides évoquent les mouvements naturels sans tomber dans l'anecdote descriptive. Ces approches laissent ainsi supposer l'existence d'une « École africaine élargie » dépassant les particularismes nationaux.
Les deux artistes partagent une méthode commune de simplification progressive : observation directe du paysage naturel, stylisation des formes organiques, transformation en vocabulaire abstrait contemporain. Cette convergence révèle l'émergence simultanée, à travers l'Afrique, de stratégies esthétiques décoloniales qui transcendent les frontières nationales.
Matérialités décoloniales : réinventer les supports et techniques
Les innovations matérielles brésiliennes
La constellation brésilienne présentée à São Paulo 2025 révèle une dimension supplémentaire des stratégies décoloniales : la réinvention des matériaux artistiques eux-mêmes.
Marlene Almeida (née en 1942) mène des recherches sur les sols colorés brésiliens, créant son Museu de Terras Brasileiras. Cette démarche, consistant à transformer les matériaux locaux en ressources esthétiques, rejoint les explorations de Diouf dans son usage de pigments. Les tonalités terre, ocres et orangées qui dominent ses compositions géométriques des années 1980 témoignent de cette appropriation des ressources chromatiques locales comme affirmation identitaire.
Edival Ramosa (1940-2015), installé à Milan entre 1964 et 1974, s'approprie les courants cinétique et op-art tout en maintenant un ancrage fort dans ses références culturelles brésiliennes. Cette méthode d'hybridation créative — absorption des codes avant-gardistes européens transformés par l'apport de références locales — rappelle directement celle de Diouf, qui, installé en Suisse à partir de 1985, a combiné formes africaines ancestrales et modernité plastique internationale sans perdre sa spécificité esthétique.
L'art totémique comme synthèse globale
Kenzi Shiokava (1938-2021) incarne une autre facette de cette réinvention matérielle. Installé à Los Angeles dès 1964, il développe un art totémique mêlant héritages formels japonais, brésiliens et nord-américains. Ses sculptures et assemblages échappent aux catégorisations stylistiques conventionnelles en créant des synthèses inédites entre traditions culturelles multiples. Il convient de noter que de Diouf, nous ne conservons qu'une unique sculpture en plâtre, ensemble de formes totémiques verticales qui évoque directement les recherches sculpturales de Shiokava sur l'hybridation des références culturelles plurielles.
Une constellation de résistances créatrices
Cette génération d'artistes nés avant 1950 révèle l'existence d'un mouvement global de décolonisation esthétique privilégiant les échanges Sud-Sud et la richesse créative hors des circuits artistiques occidentaux.
Leurs stratégies communes — synthèse culturelle, documentation critique, innovation matérielle, sérialité géométrique — constituent les fondements d'une modernité alternative dont l'École de Dakar et l'œuvre de Théodore Diouf représentent l'une des expressions les plus accomplies[32]. L'analyse formelle comparative révèle des convergences techniques qui dépassent les particularismes régionaux : usage de couleurs pures et contrastées, transformation de l'observation naturelle en systèmes géométriques, appropriation critique des codes modernistes occidentaux.
La Biennale de São Paulo 2025, consécration d'une modernité alternative
Un tournant curatorial décolonial : cartographie sensible de la modernité
La 36e Biennale de São Paulo, sous le commissariat de Bonaventure Soh Bejeng Ndikung propose ainsi une véritable cartographie sensible de la modernité, conçue comme un réseau de relations, d'influences et de résistances. En privilégiant des constellations thématiques associant artistes de continents et d'époques différents, la sélection révèle des affinités esthétiques inattendues : les compositions géométriques de Diouf dialoguent avec les vagues sérielles de Melehi, les formes découpées de Belkahia, les biomorphismes de Tarsila do Amaral. Cette mise en relation à travers la Biennale permettra sans doute de percevoir les stratégies communes et de dépasser les catégorisations habituelles — art africain, art latino-américain, art arabe — pour mettre en évidence une communauté de résistances créatrices.
L'analyse formelle comparative développée dans cette étude révèle l'existence de méthodes communes qui transcendent les frontières géographiques et culturelles : transformation de l'observation naturelle locale en vocabulaire abstrait contemporain, usage de couleurs pures et contrastées comme marqueurs identitaires, organisation sérielle de l'espace qui résiste aux codes perspectivistes occidentaux, appropriation critique des techniques modernistes pour créer des langages plastiques autonomes. Ces stratégies convergentes — appropriation critique des codes modernistes, réinvention des matériaux et techniques, inscription des récits locaux dans un langage plastique universel mais pluriel — caractérisent une génération d'artistes nés avant 1950 qui ont émergé simultanément de Dakar à Casablanca, de São Paulo à Téhéran.
Vers une histoire décentrée de l'art moderne
Loin d'être des périphéries passives, ces foyers de création se révèlent comme des centres à part entière, capables d'initier des esthétiques alternatives qui contestent l'hégémonie du récit européocentré. Dans ce contexte, l'œuvre de Diouf — issue de l'observation minutieuse de la nature sénégalaise et transformée en un vocabulaire formel contemporain sophistiqué — incarne l'une des expressions les plus accomplies de cette modernité plurielle, évitant les pièges du folklorisme et de l'imitation tout en développant une synthèse décoloniale remarquable.
En associant sur un pied d'égalité artistes africains, maghrébins, asiatiques et latino-américains, São Paulo 2025 concrétise dans l'espace muséal les hypothèses théoriques de la décolonialité. Elle confirme que la modernité ne saurait être comprise comme un projet univoque, mais comme un champ polycentrique, enrichi par les circulations Sud-Sud et par l'apport déterminant des anciens territoires colonisés.
Ainsi, à travers Diouf et ses pairs, c'est toute une cartographie alternative de l'art moderne qui se dessine — une histoire connectée où chaque territoire devient source et non simple récepteur. Cette Biennale, en mettant en lumière ces trajectoires, participe ainsi à l'écriture d'un récit global plus juste, capable d'intégrer enfin les voix longtemps marginalisées dans la narration dominante de la modernité.
Ces révélations appellent désormais un approfondissement des recherches sur les réseaux transnationaux qui ont structuré ces modernités alternatives. L'étude des correspondances entre artistes, des circulations d'œuvres et d'idées, des mécanismes de réception critique dans différents contextes géopolitiques, ainsi que l'analyse comparative systématique des innovations techniques et formelles, permettraient de mieux comprendre comment s'est constituée cette constellation de résistances créatrices. De telles recherches contribueraient à achever la décolonisation de l'histoire de l'art moderne, révélant la richesse d'un patrimoine artistique mondial encore largement méconnu et offrant aux générations futures une vision enfin plurielle et équitable de la créativité humaine au XXe siècle.
Charlotte Lidon
Août 2024
NOTES
[1] Bonaventure Soh Bejeng Ndikung est l'auteur d'une large bibliographie. Parmi ses derniers ouvrages, citons B.S.B Ndikung, In a While or Two We Will Find the Tone, Berlin : Archive Books, 2020 et The Delusions of Care, Berlin, Archive Books, 2021
[2] Pour approfondir sur cette question, voir entre autres : R. Araeen ; S. Cubitt; Z. Sardar, The Third Text Reader on Art, Culture and Theory, Londres : Continuum, 2002 ; O. Oguibe; O. Enwezor, Reading the Contemporary: African Art from Theory to the Marketplace, Londres : InIVA, 1999; W. D.Mignolo, Local Histories/Global Designs: Coloniality, Subaltern Knowledges, and Border Thinking, Princeton : Princeton University Press, 2000.
[3] R. Simbao [dir.], Modern Art in Africa, Asia, and Latin America: A Global Perspective, New York : Routledge, 2023; C. Okeke-Agulu, Postcolonial Modernism: Art and Decolonization in Twentieth-Century Nigeria, Durham : Duke University Press, 2015.
[4] L. S. Senghor, Liberté I : Négritude et humanisme, Paris : Seuil, 1964, p. 87-94 ; A. Quijano, « Coloniality and Modernity/Rationality », Cultural Studies, vol. 21, n° 2-3, 2007, p. 168-178.
[5] L. S. Senghor, Liberté I : Négritude et humanisme, Paris : Seuil, 1964, p. 87-94.
[6] C. Okeke-Agulu, Postcolonial Modernism: Art and Decolonization in Twentieth-Century Nigeria, Durham : Duke University Press, 2015, p. 15-18.
[7] A. Sylla, Arts plastiques et État au Sénégal. Quelle politique culturelle pour demain ?, Dakar : IFAN, 1998, p. 45-61.
[8] Les pays participants incluaient notamment les nouveaux États africains indépendants : Ghana (1957), Guinée (1958), Mali (1960), Sénégal (1960), Côte d'Ivoire (1960), Niger (1960), Burkina Faso (1960), ainsi que des représentants de la diaspora africaine des Amériques.
[9] L. S. Senghor, Liberté I : Négritude et humanisme, Paris : Seuil, 1964, p. 90.
[10] Propos recueillis par Coline Desportes à l'occasion du texte qu'elle a rédigé pour l'exposition qui s'est tenue à Dakar, Théodore Diouf : 50 ans de création, OH Gallery, 9 mars - 29 avril 2023. Voir aussi le catalogue Art sénégalais d'aujourd'hui, Paris : Ministère de la Coopération / Grand Palais, 1974, p. 12
[11] C. Desportes, Théodore Diouf : 50 ans de création, OH Gallery, 9 mars - 29 avril 2023, p.4.
[12] Ce concept a été évoqué par le président Léopold Sédar Senghor dans ses ouvrages ainsi qu'à l'occasion du discours annonçant officiellement la mise en œuvre de la tenue d'un festival à l'occasion d'un message à la nation sénégalaise diffusé par la radio le 4 février 1963. La phrase est reproduite dans E. Ficquet, "L'impact durable d'une action artistique : le Festival Mondial des Arts Nègres de Dakar en 1966", Africultures, n°73, 2008, pp.18-25.
[13] T. Maraini, Art Marocain : Modernités et mutations, Casablanca : La Croisée des Chemins, 2017, p. 40-45.
[14] A. Amaral, Arte para quê? A preocupação social na arte brasileira, São Paulo : Nobel, 1984, pp. 33-36.
[15] Cette multiplicité des voies modernistes périphériques est analysée dans C. Okeke-Agulu, Postcolonial Modernism, Durham : Duke University Press, 2015, pp. 78-82.
[16] A. Amaral, Tarsila: sua obra e seu tempo, São Paulo : Perspectiva, 1975, pp.56-62.
[17] L. S. Senghor, Liberté I : Négritude et humanisme, Paris : Seuil, 1964, pp. 87-94.
[18] Sur l'anthropophagie culturelle, voir O. de Andrade, "Manifesto Antropófago" (1928), reproduit dans R. Schwarz, Misplaced Ideas, Londres : Verso, 1992, pp. 19-32.
[19] A. Nascimento, O quilombismo: documentos de uma militância pan-africanista, Brasília : Fundação Cultural Palmares, 1999, pp. 56-59.
[20] Berlin, O Quilombismo, Haus der Kulturen der Welt, 2 juin - 17 septembre 2023.
[21] Chicago, Project a Black Planet: The Art and Culture of Panafrica, Art Institute Chicago, 15 décembre 2024 - 30 mars 2025.
[22] A. P. Cavalcanti Simioni, « Le modernisme brésilien, entre consécration et contestation ». Perspective. La revue de l'INHA, n° 2, 2013, pp. 325--342.
[23] L'Estado Novo est un régime autoritaire instauré au Brésil par Getúlio Vargas entre 1937 et 1945, caractérisé par une centralisation extrême du pouvoir, la suspension des libertés politiques, la censure des médias et une politique nationaliste visant à moderniser l'économie et à forger une identité culturelle unifiée.
[24] Proclamée le 7 septembre 1822 par le prince héritier Dom Pedro, fils du roi du Portugal Jean VI, elle mit fin à plus de trois siècles de colonisation portugaise. Le Brésil adopta une monarchie constitutionnelle sous Dom Pedro I et devint l'Empire du Brésil jusqu'à l'abolition de l'esclavage (1888) et la proclamation de la République (1889)
[25] M. Pissarra, « Ernest Mancoba: A resourceful exile », Third Text, vol. 23, n°3, 2009, pp. 299-308.
[26] Cette stratégie d'appropriation inversée du primitivisme occidental par les artistes africains modernistes est analysée dans E. Okwui Enwezor, "The Black Box", dans C. Oguibe et O. Enwezor (dir.), Reading the Contemporary: African Art from Theory to the Marketplace, Londres : InIVA, 1999, pp. 85-89. Voir également S. Hassan, "The Modernist Experience in African and African Diasporic Art", dans African Arts, vol. 24, n°4, 1991, pp. 54-67.
[27] Lors du Premier Festival mondial des arts nègres (Dakar, 1--24 avril 1966), conçu par Léopold Sédar Senghor comme une vitrine des cultures africaines et de la diaspora, plusieurs artistes modernes européens furent invités, reflétant la volonté d'un dialogue interculturel. Parmi eux figuraient Pablo Picasso, dont l'influence de l'art africain sur le cubisme était déjà largement reconnue, Marc Chagall, Jean Lurçat, ou encore des représentants de l'art informel et de l'abstraction lyrique. Leur présence visait à illustrer les échanges réciproques entre créations africaines et modernisme européen, mais suscita aussi des débats sur la place et la visibilité accordée aux artistes africains dans un événement censé affirmer une esthétique décoloniale.
[28] R.Simbao, [dir.], Modern Art in Africa, Asia, and Latin America, New York : Routledge, 2023, p. 63-65.
[29] E. Cole, House of Bondage, New York : Random House, 1967.
[30] M. Herbert, Frank Bowling, Londres : Tate Publishing, 2019, p. 45-49.
[31] S. M. Hassan, Kamala Ibrahim Ishag: Women in Crystal Cubes, Sharjah, Sharjah Art Foundation, 2016, pp. 22-28.
[32] Walter D. Mignolo, « Delinking: The Rhetoric of Modernity, the Logic of Coloniality and the Grammar of De-coloniality », Cultural Studies, vol. 21, n°2-3, 2007, pp. 449-514.
À propos
Charlotte Lidon
Formée en histoire de l’art à l’École du Louvre, Charlotte Lidon a travaillé au Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie de la Porte Dorée puis à l’Institut du monde arabe avant de se spécialiser dans le marché de l’art, en galerie d’abord, puis au sein de la maison de vente aux enchères internationale Sotheby’s qu’elle intègre en 2011 dans le département des Arts classiques d’Afrique et d’Océanie.
Soucieuse de défendre l’art moderne et contemporain africain dans les ventes aux enchères, elle participe activement à la création du département Modern & Contemporay African Art au cours de l’année 2016 puis aux ventes qui se tiennent à Londres. A Paris, Elle organise au sein de la maison de vente divers événements, discussions, rencontres, visites d’expositions et d’ateliers d’artistes.
En 2021, Charlotte Lidon prend la direction du département dédié à l’art africain moderne et contemporain au sein de la maison de vente parisienne PIASA.
Historienne de l’art et expert spécialisée sur les scènes africaines , Charlotte Lidon poursuit à présent ses activités en tant qu’indépendante. Le courtage, l’expertise, le conseil, la recherche et l’écriture autour des arts du continent africain sont au cœur de sa pratique et participent à la visibilité des artistes et des acteurs artistiques du continent sur la scène internationale.