Bacary Diémé, mondes textiles

Bacary Diémé
28 NOVEMBRE 2025 - 31 JANVIER 2026
PROJECT ROOM
OH GALLERY, DAKAR

Commissaires d’exposition : Coline Desportes et Océane Harati
Assistant de recherche et commissaire d’exposition : Léopold Thievend

En collaboration avec les Manufactures Sénégalaises des Arts Décoratifs de Thiès et la Galerie Atiss.

PRÉSENTATION

Coline Desportes et Léopold Thievend

Les œuvres de Bacary Diémé présentent un paradoxe. À la fois familières pour le public sénégalais et international, car elles furent collectionnées par l’État et maintes fois reproduites dans les ouvrages consacrés à l’histoire de l’art du Sénégal, elles demeurent remarquablement peu documentées. Suivant la trame d’une carrière tournée en grande partie vers les arts textiles, cette exposition propose d’en explorer quelques morceaux choisis.

De la Casamance à Dakar, itinéraire d’un aspirant artiste 

Né entre 1947 et 1949 dans une famille baïnouk de la communauté de villages de Bignona, en Casamance, Bacary Diémé manifeste très tôt un talent pour le dessin. Il s’essaie également de manière autodidacte à la sculpture, réalisant plusieurs essais avec de l’argile noire. Poussé à se rendre à Dakar par son instituteur qui avait repéré son don, le tout jeune Bacary Diémé s’y installe en 1963. La capitale du Sénégal récemment indépendant est alors en pleine ébullition artistique. Depuis 1959 et la naissance de l’éphémère fédération du Mali, l’École des arts de Dakar accueille les aspirants artistes du pays. Bacary Diémé se présente deux fois au concours d’entrée. Il est finalement reçu à sa seconde tentative à la deuxième place, juste après Boubacar Goudiaby.

L’École se divise alors en deux sections principales, l’une dirigée par Papa Ibra Tall assisté de Pierre Lods, l’autre par le peintre Iba Ndiaye. Bacary Diémé suit les enseignements de ce dernier, au sein de la section Arts Plastiques. Iba Ndiaye, qui soutient les élèves qui, comme Bacary Diémé, développent leur pratique en dehors des cours, lui permet d’obtenir une bourse du gouvernement. 

Dans ce Dakar autoproclamé sous l’égide de Léopold Sédar Senghor « capitale mondiale des arts nègres », il est présenté à Wilson Tibério par un ami, Marc Balain, autour de l’année 1966. L’artiste afro-brésilien de près de trente ans son aîné, militant antifasciste et anticolonialiste, s’est installé à Dakar pour y travailler l’année du Festival mondial des arts nègres. Avec le peintre Gérard Sekoto, il a arpenté pendant deux ans le Sénégal et notamment la Casamance pour y trouver des motifs pour ses toiles[1]. Si Sekoto quitte le Sénégal, l’atelier de Tibério, situé près de l'École des Arts, se mue en un petit laboratoire, fréquenté par des artistes dakarois. Bacary Diémé entre en quelque sorte en apprentissage. Tous les jours, en échange du couvert le midi qui lui épargne un long aller-retour chez lui, il prépare toiles tendues et formes à modeler pour Tibério. En raison de ses activités politiques et peut-être parce qu’il critiquait la Négritude senghorienne, l’artiste brésilien est expulsé de Dakar au début des années 1970 et s’établit finalement en Italie puis en France[2]. Iba Ndiaye finit également par quitter la capitale pour s’établir à Paris. Plutôt que dans l’atelier des grands maîtres qu’il fréquentait, c’est cependant au contact d’un médium particulier que le style de Bacary Diémé allait s’affirmer. 


Les textiles imprimés

Dans ces années Senghor, pourtant réputées favorables aux artistes, la vie est rude pour les aspirants peintres. Inspiré par monsieur Vougny, l’un de ses professeurs à l’École des Arts, Bacary Diémé commence à produire des maquettes pour les marchands de la diaspora libanaise qui l’introduisent à la NOSOCO. Créé en 1908 en France par un marchand nantais lié à l’industrie arachidière, Gaston Thubé, la NOuvelle SOciété COmmerciale africaine incarne tout un pan de l’histoire coloniale dakaroise. Si elle possède des succursales dans tous les anciens pays de l’AOF, son siège — comme celui de nombreuses autres compagnies et vieilles maisons issues du bordelais — est installé dans le quartier du Plateau[3]. Engagé sur le champ en avril 1972, Bacary Diémé quitte l’École des Arts avant d’avoir validé son diplôme. 

À la NOSOCO, une grande liberté est laissée aux artistes. Les contraintes sont d’ordre technique : les trois dessinateurs employés par la société doivent suivre les formes géométriques d’un gabarit qui permet au motif d’être reproduit sans discontinuité sur les tissus. Les maquettes sont ensuite présentées aux marchands qui les acquièrent pour leur usage exclusif. Les tissus, produits exclusivement par l’usine de la SODIBA, sur la route de Pikine, alors gérée par un entrepreneur marocain, sont ensuite diffusés dans toute l’Afrique de l’Ouest où ils servent à réaliser pagnes et vêtements. 

La carrière de dessinateur de Bacary Diémé épouse les mutations du paysage industriel dakarois à la fin du XXe siècle. Suite à la fermeture de la SODIBA, qui entraîne la liquidation de la NOSOCO en 1993, il poursuit son activité de dessinateur à l’usine ICOTAF (Industrie cotonnière africaine), située sur la route de Rufisque, où il travaille jusqu’à la faillite de l’entreprise en 2002.

La tapisserie

Bacary Diémé traverse les différents mondes du textile avec aisance. Si c’est toujours en tant que dessinateur industriel qu’il achève sa carrière au début des années 2000, on peut voir dans ses créations pour les Manufactures sénégalaises des arts décoratifs de Thiès une forme de continuum. En effet, l’esthétique qui y est alors déployée, privilégie les aplats bien délimités voire cernés, les fonds unis ou à motifs et une forme de détestation du vide. Avec le départ de Papa Ibra Tall en 1975 et l’instauration d’un comité de sélection des maquettes, les MSAD ouvrent leurs portes aux artistes. Au milieu des années 1970, Bacary Diémé présente différentes maquettes à l’occasion d’un appel à projet lancé par Senghor. Son talent pour l’arrangement des formes, cultivé depuis son embauche à la NOSOCO, lui vaut d’être repéré par le comité de sélection et huit de ses maquettes sont achetées par les MSAD. 

Les aplats de couleurs sans nuances imposés par l’une et l’autre de ces institutions rencontrent le goût de Bacary Diémé, inspiré par le cubisme, pour les structures recomposées à partir d’éléments géométriques. Le matériel ethnographique, l’un de ses sujets de prédilection, se prête remarquablement à ce traitement géométrisant, où les représentations figuratives se plient à un langage symbolique et décoratif plus abstrait[5]. Les masques observés lors de son enfance en brousse trouvent des prolongements dans ceux qu’il observe désormais sur les étals des antiquaires de Dakar. Dans son enfance, sa passion pour le dessin s’était parfois heurtée à certaines règles sociales de sa communauté, comme l’illustre une scène fondatrice qu’il racontera plusieurs décennies plus tard. Un jour, après qu’il a esquissé un masque de danse —  peut-être le koumpo ou le dadi-mamba — sur la case de son père à l’aide d’un morceau de charbon, il est admonesté par des hommes de son village. L’image qu’il venait de produire, par sa charge mystique, était taboue : on menace de l’envoyer au bois sacré. Cet épisode, dont il conserve un souvenir à la fois amusé et teinté d'effroi, témoigne de la place des rites en Casamance, dont les forêts et les traditions sont souvent évoquées dans ses œuvres picturales et textiles. Dans ses tapisseries en particulier, les visages prennent la forme de masques identifiés comme sénoufo (Le Couple) ou Bwa (La Famille), un hommage aux sculptures canoniques amplifié par l’étagement des formes et des figures[6]. 

Figure du paysage dakarois

La dernière partie de la carrière de Bacary Diémé est marquée par sa rencontre avec Marthe Everlé, directrice de la galerie Antenna et personnage important du monde de l’art dakarois des années 1980 et 1990. Marthe Everlé repère les œuvres de Bacary Diémé et cette collaboration avec la galerie le fait entrer dans un nouveau régime d’images : celui des petits formats sériels, des cartes de vœux et des dessins destinés à être vendus aux amateurs, place de l’Indépendance. Les mêmes masques, baobabs et silhouettes féminines qui peuplent tapisseries et tissus se miniaturisent, se répètent, s’ajustent aux contraintes de formats et de séries, continuant à disséminer davantage à Dakar le style Diémé. 


En présentant à son tour son œuvre, OH Gallery poursuit son engagement envers la scène sénégalaise de la seconde moitié du XXe siècle et ouvre son espace d’exposition à toutes les formes artistiques de cette période. Artiste discret, Bacary Diémé a néanmoins connu une reconnaissance officielle durant les années Senghor. Plusieurs de ses tapisseries ont circulé dans les expositions Art contemporain du Sénégal organisées sous l’égide de l’Etat sénégalais dans la continuité d’Art sénégalais d’aujourd’hui[7], présentée au Canada à Hamilton, dans l’Ontario[8], puis à la Grande Arche de la Défense, à Paris[9]. À la fin des années 1980, ses œuvres ont été reproduites sur les menus de la compagnie Air Afrique. En 1978, le reste de son travail a également été présenté aux côtés d’autres artistes contemporains aux États-Unis, à la galerie Élan de Bethesda, dans le Maryland, lors de la rétrospective Cross-Currents.

À la différence d’autres artistes identifiés comme appartenant à « l’École de Dakar », le style de Bacary Diémé, qu’il se déploie en dessin ou en peinture, s’est profondément formé par la pratique de production et de design de tissus. La réédition en 2025 d’une de ses tapisseries importantes des années 1970 par les Manufactures sénégalaises des arts décoratifs de Thiès, témoigne de son aisance à naviguer entre les médiums, du plus modeste au plus prestigieux. 

En parcourant les productions graphiques de petit format, archives et échantillons, les visiteurs de cette exposition sont ainsi invités à découvrir la manière dont les formes se recomposent suivant les supports et les inspirations pour constituer un univers artistique à part entière : celui des mondes textiles de Bacary Diémé. 


NOTES

  1. EYENE Christine, « Gérard Sekoto : symptômes de l’exil et questions d’interprétation », Africultures, 2006/3, n°68, p.59 à 63.

  2. ARAUJO Ana Lucia, « “All World Art Comes from the Black”: Wilson Tibério, Black Artist and Internationalist Activist in the Era of Africa’s Decolonization », Journal of Communications and Languages, n°57, 2022.

  3. « Pascal Buhan et cie, puis Nouvelle Société Commerciale africaine (NOSOCO) (1908), Bordeaux, Sénégal, Guinée », Entreprises coloniales [en ligne], fiche du 2 juin 2024, https://entreprises-coloniales.fr/afrique-occidentale/NOSOCO.pdf

  4. SECK Assane, « Dakar », Cahiers d’outre-mer, n°56, 14e année - Octobre-décembre 1961, p.387. Domiciliée à Bordeaux dans les années 1930 puis à Paris, l’entreprise spécialisée dans l’import-export, qui devient par la suite trust du géant anglo-néerlandais Unilever, repose sur trois branches. En plus de ses activités dans le textile, elle commercialise du petit électroménager et s’occupe de la production de denrées alimentaires en Afrique de l’Ouest. 

  5. EBONG Ima, “Negritude: between mask and flag” in EBONG Ima, VOGEL Susan, African explores. 20th century african art, ‎Museum for African Art, p.200 et p.206.

  6. COHEN Joshua I., The Black Art Renaissance: African Sculpture and Modernism Across Continents, University of California Press, 2020, p.185-186.

  7. Voir à ce sujet DESPORTES Coline, « L’exposition itinérante ‘‘Art sénégalais d'aujourd'hui : le regard de la France sur l’École de Dakar », mémoire de master, Paris I - Panthéon Sorbonne, 2016.

  8. Contemporary Art of Senegal / Art contemporain du Sénégal. Art Gallery of Hamilton, August 11 / September 23, 1979, Hamilton, Ontario, Art Gallery of Hamilton.

  9. Art contemporain du Sénégal, catalogue d’exposition, 18 septembre - 28 octobre 1990, Paris-La Défense, Grande Arche de la Fraternité, p.44.

BIBLIOGRAPHIE

évènement


O H L I B R A R Y

- L A B I B L I O T H È Q U E -

La rencontre avec La Bibliothèque, autour de la project room de Bacary Diémé, aura lieu le samedi 17 janvier 2026 de 15h à 18h.

Les Œuvres

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LES MANUFACTURES SÉNÉGALAISES DES ARTS DÉCORATIFS DE THIÈS (MSAD)


AVANT PROPOS

Coline Desportes
Historienne

La Manufacture nationale de tapisserie de Thiès est inaugurée en 1966. Renommée Manufactures Sénégalaises des Arts Décoratifs (MSAD) à la faveur d’une reconfiguration structurelle en 1973, l’institution acquiert au cours des années 1960 et 1970 plusieurs centaines de maquettes d’artistes, principalement sénégalais. De ces maquettes, les cartonniers employés par la manufacture tirent des cartons, schémas à l’échelle souhaitée pour la future tapisserie, sur lesquels sont indiquées les couleurs de laine à employer. C’est ce carton qui guide le tissage, effectué par des lissiers, tisserands spécialisés dans la tapisserie de lisse, technique pratiquée à Thiès. Au cours des années 1970 et 1980, les MSAD achetèrent à Bacary Diémé plusieurs maquettes. Certaines de ses tapisseries, comme Le Couple, figurent dans la plupart des ouvrages et des articles consacrés aux arts visuels sénégalais de la période Senghor. Abdou Diouf, chef de l’atelier de cartonnage aux manufactures de Thiès, nous livre dans ce texte son appréciation experte et sensible des maquettes de Bacary Diémé, nourrie par plus d’une décennie de pratique. 


Les maquettes de Bacary Diémé aux Manufactures Sénégalaises des Arts Décoratifs de Thiès

Bacary Diémé est un des grands noms de la production de cartons aux Manufactures sénégalaises des arts décoratifs, né vers 1947 à Guérina à l’est de Niamone, dans le Département de Tenghory, commune de Bignona. C’est un ancien élève de l’École des Arts de Dakar et un des composants du trio d’artistes originaires de la verte Casamance avec Ansoumana Diédhiou et Boubacar Goudiaby.

Fin graphiste, Bacary s’inspire de sa tradition et de notre quotidien pour s’exprimer. De ses doigts magiques, il imprime au support des traits justes en symbiose avec la gaieté des couleurs. De son œuvre première Le Marché à la Femme Assise, sa dernière maquette aux Manufactures, ses réalisations scintillent comme un miroir au sein de la banque de données artistiques des MSAD. Il nous renseigne également sur l’origine et l’appartenance de cet autochtone de la Casamance.

Enfant de la forêt rythmée par le pas et le chant des masques, lisible dans sa démarche artistique, il met toujours en lumière la culture, elle-même éducatrice dans cette société bicamérale du sud du Sénégal. Il puise du fond de ses racines pour dire le pur du meilleur. Influencé sans doute par les odeurs, les couleurs et les sons de son terroir, il traite des thématiques qui mettent en scène trois acteurs essentiels de la vie que sont : la femme, l’homme et l’enfant. Dans ce triptyque, le masque, pour chaque tranche d’âge, joue un rôle fondamental dans l’éducation, la transmission et le respect de l’autre. La femme, en tête de ce projet de vie, est l’épine dorsale de la famille (intitulé du quatrième carton de l’artiste aux Manufactures). Prêtresse, gardienne des greniers et de la progéniture, elle donne la sève nourricière et, de par ce lien, nous initie à la langue parlée. 

Bacary Diémé est un artiste figuratif, dans les œuvres duquel on remarque des personnages vus de face, mais également, pour nombre d’entre eux, vus de profil évoquant la peinture et la sculpture égyptienne antique. Les arrondis qu’il utilise pour les figures humaines lui sont inspirés, sans nul doute, par la statuaire africaine.

Ces formes sont alternées avec des lignes verticales et horizontales et des figures géométriques (cercles, triangles, losanges, etc). Le fond de ses œuvres est le plus souvent monochrome, libérant ainsi les éléments du premier plan. Bacary dessine naturellement avant de poser des aplats de couleurs bien harmonisés, avec des rehauts de pigments plus clairs, contrastant avec les chinés obtenus après passages de fins traits noirs à l’aide de plumes ou de brosses spécialisées. 

C’est lors de ma formation au cartonnage que j’ai traité des œuvres de l’artiste, ce qui m’a véritablement initié aux délices des œuvres de l’École de Dakar. J’ai eu le privilège d’agrandir également l’œuvre intitulée Rencontre En tant que peintre-cartonnier, et s’agissant de l’agrandissement de cartons, je suis friand des œuvres très garnies. Je les préfère à celles où il y a beaucoup d’espace et qui prennent le risque de rendre paresseux. Pour les amateurs de graphisme, les œuvres de Bacary donnent véritablement envie de croquer les formes sur le support.  

Témoin de notre temps, ses cartons reproduits en tapisseries aux Manufactures drapent des murs au Sénégal et à travers le monde, magnifiant ainsi le savoir-faire de nos artistes et artisans. 

 

Les étapes de réalisation d’une tapisserie

Aujourd’hui, aux Manufactures sénégalaises des arts décoratifs (MSAD), les maquettes sont reçues après un appel à candidature. Ce concours se fait périodiquement selon le besoin et voit la participation d’artistes africains, dont la majorité est constituée par des plasticiens sénégalais. Les maquettes sont sélectionnées par un jury composé de membres du ministère de tutelle, du directeur de l’École nationale des Arts, de techniciens des Manufactures, du Directeur général des MSAD et du Président de son conseil d’administration. Du temps de L. S. Senghor, une commission était également organisée, parfois présidée par le Chef de l’État lui-même. Cette commission retient les meilleures propositions, achetées ensuite par les Manufactures. Un contrat de cession détermine le nombre d’éditions et les différentes possibilités d’exploitation des maquettes, qui sont confiées à l’atelier de cartonnage disposant d’un espace dédié à leur conservation. À partir de ce moment, plusieurs phases se succèdent comme suit :

 

Le cartonnage

Opéré par les agents de l’atelier de cartonnage, le décalquage consiste à reproduire à partir de la maquette un négatif qui sera posé à l’envers pour guider le tissage. L’étape suivante consiste à quadriller le dessin pour fractionner la surface du calque en petits carreaux pouvant évoluer selon le degré de complexité. Ensuite, ce calque est agrandi proportionnellement à la maquette pour correspondre aux dimensions souhaitées pour le tissage final. Vient ensuite l’assortiment des couleurs : toutes les couleurs de l’œuvre sont choisies et matérialisées par un chapelet de fils de laine. Enfin, toutes ces couleurs sont numérotées, on reporte le code de couleurs dans les formes correspondantes du carton à tisser. Après la vérification suivra la programmation, où l’on envoie le patron, une copie de la maquette, le chapelet, les fiches techniques du carton à tisser et du chapelet, ouvrant ainsi l’étape suivante du tissage.

    

Le tissage en basse lisse 

Le tissage est réalisé sur un métier manuel de basse lisse ou de haute lisse. Aux MSAD, il s’agit d’une transposition de la maquette dans une technique de tissage spécifique exigeant dextérité et patience. Le tissage a pour objectif d’entrelacer des fils de chaîne en coton et des fils de trame en laine et suit plusieurs grandes étapes. L’ourdissage est une opération qui consiste à préparer des fils de chaîne et à les mettre en place sur le métier. Sous le métier, il doit mettre en place les différents éléments de transmission qui relient les pédales aux fils de chaîne. Les pédales, reliées par des « lisses », permettent de déplacer les fils de chaine en coton pour faciliter le passage des fils de laine. Dans la pratique, le montage d’une chaîne est un travail d’équipe qui peut faire appel à deux ou plusieurs lissiers. Le montage de la chaîne s’articule sur plus d’une trentaine de phases importantes les unes les autres ; elles nécessitent chacune beaucoup de patience. Le carton, schéma agrandi à partir de la maquette par les cartonniers, est fixé sur le métier pour servir de guide aux lissiers. Ces derniers vont entrelacer les fils de trames aux fils de chaîne préalablement installés : c’est le tissage. Les fils de trame sont tassés au fur et à mesure de ce dernier pour dissimuler entièrement la chaîne de coton. Les fils de trame constituent l’élément visible de la tapisserie : ils forment le dessin et les couleurs. Lorsque le tissage est terminé, on coupe les fils de chaîne qui accrochent l’œuvre au métier : c’est la tombée de métier. 

 

La couture                                                                                                                               

À la tombée de la tapisserie ou du tapis du métier, l’œuvre est envoyée à l’atelier de couture. Dans cette masse de tissu, on trouve des fentes entre deux coloris. En effet, lier les couleurs au moment du tissage est possible, mais très lent. Toutes les fentes laissées au moment du tissage doivent être aussi cousues par un point de feston et à l’aide de fils de lin de couleurs assorties à celles de la tapisserie. La couture reste entièrement invisible à l’endroit de la pièce. L’œuvre reçoit ensuite dans son dos un galon et un bolduc, qui finissent le travail. 


 

À PROPOS DE L’AUTEUR

Abdou Diouf est artiste et chef de l’atelier de cartonnage aux Manufactures sénégalaises des arts décoratifs de Thiès, qu’il a rejoint en 2011. Ancien élève de l’École nationale des Arts de Dakar, il a également été formé en  administration culturelle à l’Institut supérieur des Arts et des Cultures de l’Université Cheikh Anta Diop. Il a présenté ses œuvres dans de nombreuses expositions et festivals. 

PRÉSENTATION

Abdou Diouf
Chef de l’atelier de cartonnage aux Manufactures Sénégalaises des Arts Décoratifs de Thiès


ARCHIVES & RECHERCHES

Crédit images OH GALLERY


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À PROPOS


COLINE DESPORTES

Coline Desportes est historienne de l’art. Elle est diplômée de l’École du Louvre et spécialisée en histoire des arts de l’Afrique. Après avoir été assistante scientifique et commissaire d’exposition au sein de l’établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie, elle est aujourd’hui chargée d’études et de recherche à l’Institut national d’histoire de l’art (Paris) où elle a collaboré à la création d’une cartographie en ligne des objets africains conservés dans les musées en France

Coline Desportes est doctorante à l’École des hautes études en sciences sociales où elle prépare une thèse de doctorat. Ses premiers travaux ont porté sur l’histoire des expositions et des circulations artistiques entre Paris et Dakar sous la présidence de L. S. Senghor. Elle achève actuellement une thèse portant sur l’histoire de la tapisserie au Sénégal sous la présidence de L. S. Senghor. Elle est également fellow au Centre allemand d’histoire de l’art à Paris où elle travaille sur les images de la nature dans les tapisseries de Thiès. En 2023, elle collabore avec OH Gallery dans le cadre de l’exposition Théodore Diouf, cinquante ans de création, dont elle signe le texte. 

Elle a publié ses premiers travaux dans des catalogues d’expositions, des ouvrages collectifs et des revues comme Politique africaine ou critique d’art. 

LÉOPOLD Thievend

Élève en histoire contemporaine à l’École normale supérieure de Lyon, parcours Pratiques curatoriales, Léopold Thievend travaille sur l’histoire festive de Paris au début du XXe siècle. Ses recherches sur l’œuvre et la trajectoire de Bacary Diémé prolongent son intérêt pour l’« École de Dakar » et les circulations artistiques africaines, né d’un stage de plusieurs mois à Paris au musée du quai Branly – Jacques Chirac.

Léopold a effectué un stage à OH GALLERY à Dakar de mars à juillet 2025. 

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