Projet spécial "Teg Bët Gëtstu Gi", Musée Théodore Monod (IFAN)
Dans le cadre de la 14ème édition de la Biennale de l’art contemporain de Dakar, la galerie est heureuse d’annoncer la sélection du photographe Ibrahima Thiam pour l’exposition Teg bët gëstu gi sous le commissariat d’Emmanuelle Chérel et El Hadji Malick Ndiaye.
Teg Bët Gëstu Gi attise la vie métamorphique des objets. Le musée, organisme rhizomatique et vivant, y affirme son potentiel de transformation, sa contribution à la métamorphose, au métabolisme, à de nouvelles potentialités. Espace de production d'oeuvres, de connaissances, de nouveaux imaginaires, de spéculations pour l'avenir - qui réinterroge son histoire, ses méthodes, ses scénographies, ses usages, son rôle au sein de la cité -, il fait émerger des propositions invitant à réfléchir aux réalités contemporaines mais aussi au devenir des communautés, à leur action sur le futur. Cultivant des vitalités et des rencontres, il focalise l'attention sur des naissances.
Teg Bët Gëstu Gi - signifie en wolof voir ou toucher des yeux - la recherche. Réalisées - pour la plus grande partie d'entre elles - lors de résidences, les oeuvres des artistes contemporains internationaux invités-es (Hervé Youmbi, Ibrahima Thiam, Uriel Orlow / Ariane Leblanc, Alioune Diouf, Patrick Bernier / Olive Martin / Ussumane Ca, Vincent Meessen, François Knoetze, Mamadou Khouma Gueye) se combinent aux collections historiques du musée Théodore-Monod d'art africain de l'Institut Fondamental d'Afrique Noire de l'université Cheikh Anta-Diop à Dakar. Initié en 1936, pendant la colonisation, le projet de musée ethnographique consacré aux arts et traditions de l'Afrique de l'Ouest de l'Institut Français de l'Afrique Noire ne se concrétisa qu'en 1961 après l'indépendance du Sénégal.
L’exposition se déroule de 19 Mai au 22 Juin au Musée Théodore Monod (IFAN).
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Au sein des collections de la photothèque de l’IFAN, qui constitue un patrimoine visuel important –mais largement méconnu– de l’Afrique de l’Ouest, Ibrahima Thiam s’est intéressé à des photographies prises dans l’ancien royaume du Dahomey –actuel Bénin– par Georges Labitte durant les années 1940.
Son ins- tallation Aarou maag nii (qui signifie en wolof l’ancêtre protecteur) associe trois photographies montrant un lieu sacré, un legba (divinité vodou intercesseuse qui protège les villages) et un revenant, à trois photogra- phies réalisées par l’artiste. En « sortant les archives photographiques des étagères de l’IFAN où elles sont prisonnières», Ibrahima Thiam les pose au près d’un jeune baobab dans l’espace social, public et végétal du parc : car à l’instar du tamarinier et du fromager, le baobab permet de communiquer avec les forces sur- naturelles, il est habité par des esprits et marque un enracinement spirituel et social. Ibrahima Thiam les relie également à ses projets Maam Coumba Bang (2019), Maam Njare (2020). Et plus particulièrement à Maam Nduek Daour Mbaye (2020) qui donne figure au génie de Dakar se transformant en cheval blanc chaque jeu- di soir. Ces séries révèlent les présences mystiques de génies protecteurs Lebou –mi-femme, mi-homme, mi-animal– avec leurs attributs au sein d’un présent en mutation. Elles explorent par la fiction la mise en scène de nouveaux récits qui interpellent leurs fonctions et leur présence. En créant des liens avec le passé et avec un autre espace culturel animiste, l’installation montre des croyances anciennes qui –avec leurs différences– parcourent l’Afrique de l’Ouest et lient étroitement les humains à leur environnement naturel. Elle évoque aussi la religiosité de la société sénégalaise, son syncrétisme mêlant religions abrahamiques (notamment l’Islam) aux religions traditionnelles, qui tendent peu à peu à disparaître (alors qu’au Bénin, les rites animistes sont encore très vivants). Un processus renforcé par l’urbanisation intense de la presqu’île du cap vert, qui en menaçant le patrimoine végétal et littoral souvent associé aux rituels Lebou, conduit à leur abandon. Par sa taille, Aarou maag nii donne une présence et une visibilité – peu habituelle dans les médias sénégalais – à ces croyances, afin de poser la question de l’héritage de leurs savoirs (…)